GARDEZ LES CHAPELLES !

Gardez, ô villageois, les chapelles vôtives
Le long des vieux chemins,
Témoins pieux des mœurs douces et primitives
Des anciens pèlerins. Au bord des carrefours, les stèles ombragées
D’un tilleul rabougri,
Ou bien d’une aubépine aux branchettes rangées
En bel arceau fleuri… Elles disent encore, pour le passant fidèle
Qui la lit à genoux
Une invocation confiante, éternelle
Vers un saint de chez nous.

Priez pour nous ! Priez, Saint-Médard, Saint Antoine
Patrons des pauvres gens !
Saint-Donat, protégez notre humble patrimoine
Des traîtres ouragans !

Notre-Dame, priez pour le repos des âmes,
Saint-Eutrope et Saint-Mort,
Gardez-nous du malheur ou de péchés infâmes
Conduisez-nous au port !

Sur leurs socles verdis, trop de niches sont vides
Las ! de leur saint de bois,
De plâtre ou de métal ; ces héros impavides
Des cultes d’autrefois !

Des générations de la Foi contemptrices,
Ont passé dans nos champs.
Elles ont promené leurs mains dévastatrices
Et leurs instincts méchants…

Qu’importent les raisons ou les secrètes causes
De l’abandon poignant ;
Le vénérable aspect du visage des choses
Veut des soins maintenant !

Relevez, villageois, les chapelles naïves
Aux socles graniteux
Redressez les rameaux des aubépines vives
Et les bancs raboteux.

Replacez Saint-Antoine en sa petite grotte
Et puis Saint-Léonard,
Auprès des saules creux de la mare où barbote
Un troupeau de canards

Vos pères jalonnaient de ces haltes ferventes
La route à parcourir ;
Ces relais, par les nuits d’éclairs et d’épouvantes
Devaient les secourir.

Près d’elles, en passant, ils reprenaient courage,
Le ciel semblait moins gris
Aux chemineaux lassés, que poursuivait l’orage,
Elles servaient d’abris.

Songez à vos parents, à vos grave ancêtres,
Braves gens de chez nous !
A l’ombre des tilleuls et des antiques hêtres,
Ils vécurent si doux !

Refleurissez toujours, les matins des dimanches,
De bouquets gracieux,
Aux bords de nos chemins, tant de chapelles blanches
Qu’aimèrent vos aïeux !

Nous souffrons de manquer de vie intérieure…
Ce geste la rendra.
Vous goûterez la joie en votre âme meilleure,
Et la paix renaîtra !

Paul EREVE.